1. Rocher du Caro: mode de traduction

Pour le concours du Rocher du Caro, quelle mode de traduction ? J’utilise la technique d’épigraphie de translittération que je présente ici.

1.1 Objet

Le présent document constitue la réponse au concours lancé par la Mairie de Plougastel-Daoulas au printemps 2019. Il consiste à traduire une inscription gravée sur le Rocher du Caro.

Logo de Plougastel-Daoulas
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Mme Véronique Martin, chargée de mission des activités touristiques de la Mairie, en date du 27/05/2019 par voie électronique, a fourni la base des documents pour réaliser la présente réponse.

1.2 Eléments de contexte et sources externes

Il est d’ores et déjà précisé que le texte de l’inscription est du breton. Quelques éléments de datation indiquent qu’il remonterait au 18ème siècle. Le dossier en page 5 verse cette mention via un extrait du Bulletin « Monuments et objets d’art du Finistère ». Edité par la société archéologique du Finistère, il est mentionné dans un article de Yves-Pascal CASTEL publié en mai 2019 [1].

La datation supposée nous amène à préciser que l’inscription est du breton prémoderne [2] (période située de 1689 à 1807).

L’auteur précise par avance qu’il ne connait pas du tout la langue bretonne. Cependant il a été confronté au travail d’épigraphie, la discipline visant à traduire des textes sur des supports tels que la pierre. Notamment sur des ostraca de Deir El Medineh rédigés en hiératique l’écriture cursive de l’Egypte Antique.

Pour le breton, et en l’absence de compétences dans ce domaine, il fera appel à des sources en ligne tels que :

  • Des dictionnaires

La référence du vocabulaire ancien est le Meurgorf : meurgorf.brezhoneg.bzh/meurgorf/enklask
Pour la traduction :
Le Gonidec : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62530282/f16.item
Et parfois, le Glosbe : fr.glosbe.com/br/fr/

  • Des références de conjugaison :

fr.wiktionary.org/wiki/Annexe:Conjugaison_en_breton
fr.wiktionary.org/wiki/Annexe:Conjugaison_en_breton/ober
fr.wiktionary.org/wiki/Annexe:Conjugaison_en_breton/kaout
fr.wiktionary.org/wiki/Annexe:Conjugaison_en_breton/bezañ

1.3 Formalisme et notation employés : la translittération pour méthode d’analyse

1.3.1 Les sources

Dans ce qui suit, nous appellerons « retranscription 1984 » le relevé effectué et publié en 1984 (fourni en page 5 du dossier). Et « retranscription 2019 » celle proposée en page 7. Celles-ci contenant quelques erreurs et lacunes, nous les corrigerons sur la base des photographies fournies par la mairie. Nous avons donc trois sources à étudier parallèlement.

Ces sources seront notées en majuscules. Quelques lettres étant parfois en minuscules – au plus proche possible des graphies de ces dernières. Nous les référençons par les codes suivants :

  • S1 désigne la retranscription de 1984, typographiée
  • S2 désigne la retranscription de 2019, manuscrite cursive
  • S3 désigne les photographies de 2019, gravée et non cursive

1.3.2 Conventions d’écriture

Nous emploierons quelques mises en valeur par des couleurs pour comparer les sources :

Si S1 contient une lettre N et que son équivalent dans S2 et S3 est un И, nous noterons N dans S1 et И dans S2 et S3 pour indiquer la correction. En rouge nous avons donc des signes erronés et en vert une correction que nous proposons.

Avant toute traduction, nous effectuerons une transformation intermédiaire nommée translittération. C’est-à-dire une conversion pour exprimer des substitutions de lettres. Toujours notée en italique et reconstituant les espaces entre les mots, les accents et les apostrophes. Contrairement aux sources qui en sont exempts la plupart du temps. Cette traduction sera écrite en breton prémoderne et une forme finale indiquera sa version en breton moderne.

1.3.3 Symboles spéciaux

Dans ce formalisme nous exploitons les symboles que nous décrivons ci-après :

  • L’astérisque * s’utilise pour exprimer une césure dans les sources, un retour à la ligne
  • Les parenthèses pour exprimer une lettre absente de la source qui est apparu en breton moderne. Ces lettres ne sont donc pas présentes dans les sources. Mais leur ajout est indispensable pour mettre en évidence la transformation du mot entre deux états de la langue bretonne
    • Exemple : briz(h) signifie qu’en breton prémoderne le mot s’écrit briz mais devenu brizh en breton moderne
  • Les crochets pour exprimer des lacunes éventuellement reconstituées :
    • […] indique qu’un nombre inconnu de lettres n’est pas lisible dans la source
    • A[…] signifie que la lettre A est lisible, suivie d’une lacune
    • [A…] signifie que la lettre A est partiellement lisible en début de lacune, mais incertaine
    • […A] signifie que la lettre A est partiellement lisible en fin de lacune
    • […A…] signifie que la lettre A est partiellement lisible en milieu de lacune
    • CAR[O] indique que le O est en lacune, qu’éventuellement il peut se deviner sur la source. Voire il n’est plus lisible aujourd’hui mais avec peu de doute que le O y était à l’origine
  • Les chevrons pour exprimer que le scribe a gravé une lettre qui est surnuméraire. Il a commis une faute, ou bien dans les sources S1 et S2 (qui émanent de chercheurs et non du scribe).
    • CAR<R>O signifie donc que le <R> doit être ignoré même s’il est présent dans les sources
  • Les accolades corrigeront le scribe pour ajouter des lettres absentes des sources qu’il aurait dû graver.
    • Par exemple eul {lec’h} izel signifie que le scribe a gravé eul izel mais qu’il a oublié le mot lec’h et n’a laissé aucun espace entre les deux mots
    • A noter qu’il ne faut pas confondre ce formalisme avec celui de la lacune

1.3.4 Plusieurs possibilités de traduction

La translittération est une opération qui nécessite donc une analyse textuelle. Elle peut d’ailleurs déboucher sur plusieurs possibilités et plusieurs traductions simultanées parfois. Ainsi de manière plus générale, nous mettons en place une analyse systématique et exploratoire des différents sens possibles des inscriptions. Puis nous essayons de réduire par la logique les sens qui ne seraient pas possibles pour des raisons de contexte (lettres avant ou après incompatibles), grammaticales, ou de sens (résultat sémantique absurde).

Une fois la translittération effectuée, nous proposerons une forme finale en breton moderne puis sa traduction en français.

Les parenthèses seront utilisées dans la traduction pour ajouter des mots absents dans les sources. Et qu’il est nécessaire d’ajouter en français pour donner un sens plus approprié, une tournure plus acceptable dans notre langue.


[1] Monuments et objet d’art du Finistère, SAF, Tome CXIII 1984 pp. 332-333
societe-archeologique.du-finistere.org/inventaires/plougastel-daoulas-inscription-anse-caro.html

[2] Source : fr.wikiversity.org/wiki/Breton/Grammaire/écriture