3. Traductions – Texte [c2]

Le Rocher du Caro pour sa traduction dans sa partie basse, demande de rapprocher le texte des blocs isolés ou illisibles.

3.6 Le texte [c2] rapproché du texte [d1] : la suite de [c1]

3.6.1 Ligne 2 de [c2] ou ligne 4 de [c1]

Dans le prolongement du raisonnement tenu pour la ligne 3 du texte [c1], nous validons que pour la ligne suivante, le début de la ligne 2 de [c2] est en réalité le début de la ligne 4 de [c1].

Remarques préalables :

  • S1 inverse habituellement le Z en S, le N et le И : nous déduisons que les groupes ASON et RES s’écrivent AZOИ et REZ. Une exception toutefois : le groupe SAKI n’est pas ZAKI : il n’y a pas d’erreur dans S1.
  • Le groupe E I BEL complète la fin de la ligne 4 mais la photo en page 62 tend à montrer que nous aurions plutôt EN bEL. La photo en page 45 montre ensuite une roche fortement piquetée (de même qu’en bas de la photo page 41). Il semble donc qu’il n’y a plus de lettre après ou alors qu’elles ont été complètement détruites.
  • S3 nous permet également de corriger S1 puis le b est en minuscule sur les photos et non en majuscule
 Scénario AScénario BScénario C et D
S1RES E I BELRES E I BEL(SAKI)     ASON RES E I BEL
S2REZEREZE                  ZOИREZE
S3REZ EN bELREZ EN bELSAKI […] AZOИ REZ EN bEL
Translittérationrez en bel[…] rez en belsaki […] azoñ rez en bel
Forme finalerez en bell[…] rez en bellsaki […] azoñ rez en bell
Traductiondirecte dans la bataille[… ]directe dans la batailletu attaqueras […] façon directe dans la bataille

Analyse du scénario A :

Dans le scénario A, la phrase débuterait par rez ce qui est effectivement un mot breton qui signifie « droit, direct ». Mais le scénario A pour lequel le texte [c1] aurait été écrit par-dessus [c2] ne peut donc pas être retenu puisque nous pouvons traduire l’ensemble de la séquence qui débute par un adjectif qui ne se rapporte à aucun nom : c’est donc bien qu’il existe là un groupe nominal tronqué et rez ne peut pas débuter la ligne 2 du texte [c2].

Analyse du scénario B :

Dans ce scénario, [c2] aurait effacé le début de la ligne 4 de [c1]. Dans cette hypothèse, il existe 394 mots finissant par rez selon le Meurgorf mais aucun dans ceux-là qui commence par azoñ ou par zoñ. En fait, le mot azoñ est un nom commun qui signifie « manière, façon ». Et comme le groupe nominal azoñ rez a un sens sémantique, il est plus simple d’abandonner le scénario B de deux textes [c1] et [c2] indépendant, au profit des scénarios C ou D.

Analyse du scénario C ou D :

Nous venons de démontrer que la ligne 4 n’est pas coupée en deux elle aussi : le début la ligne 2 du texte [c2] s’articule avec la ligne 4 du texte [c1]. N’ayant plus d’ambiguïté sur la composition des deux lignes 3 et 4 de [c1], il ne reste que deux hypothèses :

  1. soit le texte [c1] se termine là, le texte [c2] démarrant à la ligne suivante pour avoir deux textes indépendants
  2. soit [c1] et [c2] sont un unique texte écrit d’un seul tenant

Comme nous allons le voir, c’est cette deuxième hypothèse que nous retiendrons car le bloc D, juxtaposé avec la face C du rocher, permet une traduction globale de toutes les lignes qui suivent, à commencer par cette ligne 4 que nous traduisons ici même.

Nous commençons donc par traduire la séquence SAKI du bloc D :

  • sakiñ est le verbe « attaquer », donc saki est la 2ème personne du singulier du futur de l’indicatif « tu attaqueras ». Il est possible d’avoir sakin, à la 1ère personne du singulier du futur (avec un t en lacune) ou sakit « vous attaquez » avec un it en lacune. Mais nous préférons garder l’hypothèse la plus simple, sans présumer des lettres en lacune à cause de la brisure
  • azoñ rez signifie donc « façon directe » comme vu précédemment
  • en signifie « dans, en » qu’il ne faut pas confondre avec  signifiant « il », « lui », « le »
  • Et enfin, bell signifie « guerre » ou « bataille » (et vient du latin bellum) et s’écrivait bel en breton prémoderne (à moins qu’un 2ème L ne soit en lacune ?) Nous choisirons la seconde signification « bataille » qui est plus locale que « guerre ».

Conclusion :

Nous obtenons une traduction cohérente « tu attaqueras […] façon directe dans la bataille », phrase au milieu de laquelle une lacune subsiste et qui correspond à la brisure entre le bloc D et le rocher. Cette lacune autoriserait théoriquement plusieurs formes conjuguées comme nous l’avons vu, mais il est des situations où l’épigraphie demande un arbitrage vers la simplicité : tout n’est pas décidable.

Nous pouvons ici émettre l’hypothèse d’un unique mot manquant est « de », par exemple diwar, ou diouzh. Mais le choix du bon mot n’est pas décidable non plus donc nous ne complèterons pas la lacune. Et d’ailleurs, de combien de lettres est cette lacune ?

La suite du travail de traduction fera référence aux lignes 5 et suivantes du texte [c1] puisque nous avons là un unique texte écrit d’une seule main.

3.6.2       Ligne 5

S1    (ANNDIN)      VMS
S2                            VAR
S3[…]AИD DIN […]VA IZ
Translittération[b]añd din’ [di]va Iz
Forme finale[b]añd din’ [di]wa Iz
Traductionquand la forteresse garde Iz

Remarques préalables :

  • S1 omet un D bien visible cependant sur la photo de la page 60. Et surtout il substitue le vrai signe И à un NN – à moins que le second N ne soit le D manquant ? Notons que S3 montre que les deux D sont en majuscules (alors que plus fréquemment en minuscule dans les inscriptions)
  • S2 mentionne uniquement VAR qui correspond au VMS de S1, les deux commettant une erreur de lecture : comme le montre les photos en pages 47 et 61, le A n’a pas sa barre horizontale franchement visible et un trait peu marqué autorise la lecture d’un N  (auquel cas le V serait un U). Si bien que nous pourrions avoir VA, UA ou WA aussi bien que UN, VN ou WV. A cela, l’hypothèse que le V est un N partiel nous oblige aussi à considérer un possible NA.
  • Concernant le R final de S2, il est en réalité un I suivi d’un Z, les deux lettres étant clairement détachées l’une de l’autre sur les photos – mot que nous connaissons bien et qui désigne la mer d’Iroise.

Analyse :

  • Il existe 26 mots d’après le Meurgorf, contenant DDI et 53 mots contenant un double D mais aucun mot commençant par DD et aucun précédé d’un N ou d’un И. Nous en déduisons que les deux D appartiennent à deux mots différents : il y a donc une césure entre eux.
  • En admettant l’hypothèse d’une mutation de liaison, il faudrait chercher un mot commençant par TIN ce qui nous laisserait théoriquement 12 mots possibles (tin, le thym, ou les mots dérivant du verbe tint, qui veut dire « tinter », ou tintañ, « étayer »). Ces hypothèses ne sont pas compatibles avec le contexte cependant, et nous gardons DIN.
  • Dès lors que nous cherchons un mot commençant par DIN, la page 259 du Le Gonidec nous indique qu’un din’, qui dérive de dun, signifie « forteresse », ce qui rejoint le thème guerrier de la ligne précédente.
  • Il y a nécessairement une lacune devant AИD : nous devons donc trouver un mot qui se termine par ces lettres. D’après le Meurgorf, 20 mots bretons sont possibles mais nous retiendrons le plus court : band, voulant dire « quand », dont nous supposons que le nasillement bañd s’est affaibli entre le breton prémoderne et le moderne. Ceci nous permet de construire une proposition relative avec la ligne 4 qui précède.
  • Il reste alors à trouver le mot entre din’ et Iz et dont nous avons deux lettres finales. Notons immédiatement que ce mot ne peut être qu’un verbe conjugué : la proposition relative ne serait pas syntaxiquement correcte sinon.
  • Il n’existe que le verbe diwall « garder » en breton moderne, dont la forme dival supposée en breton prémoderne, se conjuguerait diva à la 3ème personne du singulier de l’indicatif présent

Conclusion :

Il ne fait maintenant plus de doute que le bloc D doit être juxtaposé au rocher C pour obtenir une traduction valide.

Notons qu’ici la brisure entre les deux blocs se situent sur le verbe [di]va pour lequel di est en lacune. Cela nous donne une indication sur la dimension de la lacune : deux lettres ici. Qui comparativement à la ligne précédente d’un diwar supposé est cohérente (la lacune de la ligne 4 est effectivement un peu plus grande à en croire les photos), et qui tend aussi à nous faire pencher que saki était le bon choix, laissant sakin et sakit de côté pour des raisons de place dans la lacune.

3.6.3       Ligne 6

S1(ABAN)      SDARANDOC
S2                     dARANdOL
S3AbAИ [I…Z] dARANdOV
Translittérationa-bañ [i…z] d’ar andov
Forme finalea-bann [i…z] d’ar andouv
Traductionen arrêt […] au fossé

Remarques préalables :

  • Comme de coutume S1 inverse les lettres ou ne retranscrit pas les minuscules (ici le d)
  • S2 ne fait pas de rapprochement avec le texte [d1] et confond le V final avec un L : il est effectivement mal formé car la deuxième diagonale est très courte
  • Les photos nous proposent un i à moins que cela ne soit que le fût d’une lettre telle que le b, le D, le E, le f, le h, le I, le K, le L, le M, le N ou le И, le P ou le R ?
  • S1 admettait un S que nous supposons être un Z finalisant la lacune de la brisure entre les deux blocs.

Analyse :

  • A-bann signifie « en arrêt » en breton moderne. Nous émettons l’hypothèse qu’en breton prémoderne, il s’écrivait a-bañ, le nasillement ayant connu un affaiblissement
  • d’ar est l’article élidé « au, à, le »
  • Et enfin andouv veut dire « fossé », supposé être dans la forme andov en breton prémoderne

Conclusion :

Notre ligne 6 est dans la continuité des lignes précédentes sur le plan sémantique. Nous ne tenterons pas de combler la lacune de la brisure car il y a trop peu d’éléments graphiques pour arbitrer (peut-être un verbe ?).

3.6.4       Ligne 7

S1(SAOU)    ADREIRIO
S2                 AdREIRIg
S3ZAoV […] AdREIRIg
Translittération[e]zaou[i…k]ad re {h}irio
Forme finale[e]zaou[i…k]ad re hiriô
TraductionTu perd[ras…c]ombat de trop aujourd’hui

Remarques préalables :

  • De manière usuelle, nous corrigeons S1 et juxtaposons les deux blocs C et D.
  • La dernière lettre est notée O dans S1 et g dans S2. Les photos semblent indiquer un o minuscule, mais une trace en dessous évoquerait un g minuscule. Sauf que de tout le rocher, le G est toujours noté en majuscule. C’est donc un o minuscule qu’il nous faut choisir : S1 était dans le vrai – si ce n’est que notée en majuscule

Analyse :

  • Nous corrigeons une lacune devant le groupe ZAOU pour former le verbe ezaouiñ « égarer, perdre » conjugué ici à la 3ème personne du présent de l’indicatif – à moins que cela soit le cas d’un sujet impersonnel « on » impliquant que le verbe est à la 3ème personne.

Une autre hypothèse est que la terminaison de ce verbe soit en lacune à cause de la brisure. Nous ne pouvons alors pas décider ni du temps, ni de la personne sans mieux connaître le contexte.

Si le sujet du verbe est l’auteur lui-même, ce pourrait être la 2ème personne du futur, dans la continuité de « tu attaqueras » de la ligne 1 donc ezaoui. Nous retenons cette option car le seul autre groupe de ce texte est « la forteresse garde Iz » qui ne peut pas en être le sujet.

Dans tous les cas, le contexte induit que le verbe doit être pris dans le sens de « perdre la bataille » et non pas « égarer un objet ».

  • Le groupe suivant ADRE contient un petit piège car le mot a-dre existe en breton et veut dire « de, hors de ». Or cette hypothèse ne s’articule pas plus avec le mot qui précède qu’avec celui qui suit d’ailleurs.

Nous rappelant que la brisure a provoqué une lacune possible en ce point, nous devons alors couper ce groupe ADRE en deux. Nous formons alors assez aisément le mot kad, « combat » et re, « de trop » avec une seule lettre k manquante.

  • Le mot irio n’existe pas en breton mais hiriô signifie « aujourd’hui » : nous corrigeons donc l’auteur qui probablement oublié une lettre muette (il est improbable aussi que irio soit une forme du breton prémoderne de hiriô)

3.6.5       Ligne 8

S1(FAN) 1786 NEIS
S2           1786 NEIZ
S3FAИ    1786 ИEIZ
Translittération{a}fañ 1786 ñeiz
Forme finale{a}fañ 1786 ñeiz
Traductionbise 1786 Ñeiz

Remarques préalables :

  • Les mêmes remarques sur S1 et S2 sont constatées sur les inversions de lettre N et S que nous pouvons corriger grâce à S3

Analyse :

  • Nous complétons le groupe FAИ pour former le seul mot bref finissant ainsi selon le Meurgorf afañ qui signifie « faire une bise ». Ce mot étant en bas du bloc D, sur son côté arrondi, il est normal que le A soit en lacune.
  • L’année 1786 est clairement lisible dans toutes les retranscriptions
  • Et enfin nous formons avec Ñeiz la signature de ce texte puisqu’il s’agit d’un prénom breton venant d’un saint (aussi écrit « Nizan ») et que l’on retrouve surtout dans le Morbihan, voire dans des toponymes

3.6.6       Les textes [c1], [c2] et [d1] – Synthèse des lignes 1 à 8

Nous obtenons donc le texte suivant :

hô bijé briz bouilha[ñ] e Réal
[t]alv 84 bod sivi
karglou(d) ne prez [ket?]
saki […] azoñ rez en bell
[b]añd din’ [di]wa Iz
a-bann [i…z] d’ar añdov
[e]zaou[i … k]ad re {h}iriô
afañ 1786 Ñeiz

Que nous pouvons traduire par :

Il serait le prix le plus brûlant en Réale
il vaut 84 fraisiers
aucun mangeur ne parle
tu attaqueras […] façon directe dans la bataille
quand la forteresse garde Iz
à l’arrêt […] au fossé
Tu perd[ras…c]ombat de trop aujourd’hui
bise 1786 Neiz

Discussion

Au premier abord, ce texte laisse une impression obscure d’incompréhension, notamment les trois premières lignes qui semblent sans relation avec sa suite. En réalité, ce texte est très cohérent et il est même ironique pour ne pas dire subversif : il dénonce un comportement de l’administration royale comme nous allons le montrer.

Commençons par nous poser la question de qui s’exprime : un soldat qui sait écrire, signe au 18ème siècle d’un niveau d’instruction déjà élevé. Ce n’est donc pas n’importe quel militaire.

Ensuite, que peut signifier un prix « brûlant » dans une monnaie métallique ? Il y a ici une double allusion. Au premier degré, l’auteur fait référence au mode de confection des pièces : par fonderie et frappe. Une monnaie métallique est brûlante lorsqu’elle vient juste d’être forgée : elle est neuve et avec un poids nominal précis. Alors qu’avec l’usure, elle perd de sa valeur (pécuniaire et symbolique). Avoir des pièces neuves est donc un privilège, ou au moins un mode de paiement qui fait exception.

Au second degré, l’auteur évoque le Jugement de Dieu qui depuis le Haut Moyennage « consistait pour un prince à saisir sans dommage une barre de fer rougie ou toute autre variante. »[1]. Cette allusion n’est pas neutre car elle suppose de la part de celui qui toucherait du métal brulant une valeur morale d’engagement.

Ce qui est le cas de notre soldat qui a participé à une bataille.

Mais ce prix brûlant est mentionné au conditionnel : la réalité du paiement fût ensuite de 84 fraisiers, donc un paiement en nature de moindre valeur.

Notre soldat illustre ici une pratique courante : celle de ne pas payer les soldats ou de mal les payer, notamment lorsqu’ils avaient perdu le combat, ce que notre texte mentionne d’ailleurs à la 7ème ligne. Or au 18ème siècle, frapper monnaie est un privilège royal : c’est donc directement l’administration royale qui est ici désignée (d’autant plus que le nom de la devise, la réale, signifie aussi Royal en breton).

Les études[2] des numismates montrent en effet que l’usage des pièces frappées était surtout dédié au financement des guerres. Une pratique déjà en vigueur sous l’Empire Romain :

« De la monarchie à la république Romaine, les émissions de pièces d’or étaient très irrégulières et souvent liées à la prise de butin d’or aux ennemis qu’il fallait écouler d’une manière ou d’une autre. Jules César institue une pièce d’or standard, l’aureus, composée d’or pur sans alliage, pesant exactement 8,16 grammes et valant 25 deniers, la monnaie standard de l’Empire.

Ce standard ne durera toutefois pas longtemps, et si les aureus seront presque toujours constitués d’or pur, leur masse variera considérablement en fonction des époques. Les empereurs pratiquant une inflation déguisée qui leur permettait d’émettre le même nombre de pièces avec moins d’or, cette masse avait surtout une tendance à la baisse : il passe à 7,79 grammes sous Auguste, successeur de César, puis à 7,39 grammes sous Néron, à 6,54 grammes sous Caracalla, etc. L’aureus atteindra son poids le plus léger sous l’empereur Sévère Alexandre, qui régna de 222 à 235, avec ses 5,83 grammes. »

Ces pratiques romaines perdureront dans la plupart des royaumes y compris en France. L’usage de la monnaie métallique pour l’ensemble du peuple dans les transactions commerciales est une pratique beaucoup plus récente qu’on ne le pense : le troc était de mise car la rareté des pièces faisait que leur valeur nominale était très élevée, donc rarement accessibles aux plus pauvres.

Il est donc normal qu’un soldat évoque directement une monnaie brûlante sortant d’un atelier de frappe. Et il est aussi normal qu’il ne soit pas satisfait d’être payé par un autre moyen.

Il faut savoir qu’à cette époque les finances[3] de l’Etat étaient dans une situation de crise économique qui a d’ailleurs aboutit à la Révolution Française trois ans plus tard.

« le remboursement de la dette, qui pèse déjà très lourd au Moyen Âge, et qui, à la veille de la Révolution française, représentera un gouffre pour 42 % des recettes de l’État. »

Toute l’ironie de ce texte apparaît alors avec la troisième ligne « aucun mangeur ne parle », qui signifie en substance que le soldat qui reçoit de la nourriture ne se plaint pas : il doit donc se satisfaire d’avoir reçu à manger à défaut d’une solde car il aurait pu ne pas être payé du tout puisque le combat a été perdu ! Sauf que notre soldat s’exprime par écrit : il n’est pas réellement silencieux.

Il dénonce donc une pratique de rémunération injuste avec le travail qu’il a réalisé et qu’il décrit dans la suite du texte.

Ces trois premières lignes ont donc un aspect très saillant en comparaison de la suite, ce qui explique aussi la mise en page très particulière : les lignes 1 à 3 sont écrites en plus gros, bien en évidence, alors que les dernières sont écrites en plus petit, et en une colonne à l’écart. Il y a donc une volonté affichée d’envoyer un message qui n’a rien de neutre.

Nous poursuivons notre propos en observant que la forteresse évoquée correspond dans sa description à ce que nous pouvons trouver aux abords du Caro : un fossé, un structure tournée vers l’Iroise pour surveiller la rade de Brest – mais attaquable par la terre. Le Fort du Corbeau[4] est tout proche : à vol d’oiseau à 1,5 km et il est visible depuis notre rocher !

L’ingénieur Dajot le réorganisa dans les années 1770, complété d’un redoute construire en 1774-1775, dont l’accès s’effectue de manière originale via une porte aménagée dans un fossé, comme en témoigne l’association 1846 qui entretient ce patrimoine. Est-ce le lieu de cet épisode ? Cela est très possible !

Il nous reste à identifier cet événement ici relaté en 1786 mais donc nous ignorons s’il est contemporain de cette année ou si le soldat n’a pas retranscrit un vécu plus tardif, en revenant sur les lieux des années plus tard.

Sur son site des Chemins de la Mémoire, un passage sur les fortifications bretonnes[5] nous offre quelques éléments de contexte, mais rien sur un événement précis : l’entretien des fortifications a été un sujet permanent dans cette région.

Dès lors, nous cessons-là nos investigations qui demanderaient un approfondissement avec de la documentation spécialisée et un accès aux archives militaires probablement.


[1] DUNETON, Claude, La puce à l’oreille, page 330-331

[2] Cf. http://collectiondepieces.fr/histoire-monnaies-or.html

[3] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_budget_de_l%27%C3%89tat_fran%C3%A7ais

[4] Cf. http://association-1846.over-blog.com/2016/06/fort-du-corbeau-plougastel-daoulas.html

[5] Cf. https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/histoire-de-la-fortification-bretonne